Une fois n’est pas coutume, je vais parler bouquin. Des livres autour du jardin, il y en a des milliers : les techniques, les beaux livres, les thématiques, les spécialisés…Celui-là n’est pas du tout comme ceux que j’ai déjà pu avoir entre mes mains : Chronique d’un jardin solidaire, c’est un bout de vie, l’histoire d’un gars un peu paumé qui se retrouve un peu en mettant pour la première fois les mains dans la terre. Un livre sur le jardin, sur la naissance du jardin partagé, mais aussi sur le jardinier, celui qu’on avait pas prévu d’être, et ça, forcément, ça me parle…
Histoire d’un jardin : comment créer à partir de rien ?
En 2000, Olivier, habitant et habitué d’un micro quartier dans le 20ème arrondissement de Paris, lorgne depuis quelque temps sur un bout de terrain laissé à l’abandon. Un bout de terrain ? C’est peu dire : pas loin de 3000 m2 d’espace, en plein Paris. « 2500 m2 de décharge », l’auteur en est conscient : « mais ici il y aura un jardin ». Le rêve de tout explorateur jardinier qui se sentirait un peu à l’étroit dans la capitale…
Mais Olivier est artiste plasticien, pas paysagiste : les jardins, il n’y connaît rien, ou si peu…Il en a surtout des théories, des impressions tout droit tirées de quelques souvenirs éparpillés. Ainsi, c’est armé de beaucoup de courage et d’un peu de folie (chaque jardinier sait manier les deux comme personne, vous le savez bien…) qu’il s’attaque alors à ce projet fantastique : faire un jardin. Des débuts compliqués aux expérimentations douteuses, des essais concluants aux grandes fiertés (comme la plantation de grands arbres dans le jardin) : tout y passe. On sent la volonté d’apprendre de l’apprenti jardinier, et surtout le plaisir de voir les lieux se transformer, avec très peu de moyens.
« Une aventure humaine et botanique » : le jardin partagé
Car l’auteur le dit lui même : si les lieux sont devenus un lieu de rencontres et de partage, ce fut bien malgré lui. Car le jardin fédère : une petite curiosité au début, un engouement certain par la suite, les parisiens se sont déplacés, et de loin, pour voir la naissance de ce jardin. Mais surtout, ce sont les gars/filles du coin qui traînent autour, y jettent un œil et y entrent un pied, puis deux, pas trop sûrs de ce qu’il s’y passe. Ce sont les mêmes qui, quelques mois plus tard, l’appelleront « mon jardin ». Le jardin solidaire devient donc un haut lieu de mixité sociale, ou l’on apprend à échanger, à travers le végétal. Beaucoup se l’approprient, y investissent compétences, temps et argent. Comme cette « ruée sur l’Oklahoma », où un dimanche matin, chacun part avec sa pelle et son piquet pour choisir un carré de verdure qu’il entretiendra.
Ce livre est aussi une vraie leçon sur l’agriculture urbaine : comment s’approprier ces espaces déjà conquis ? Comment jouer avec les espèces rudérales, et surtout, comment apprendre d’elles ? Car au jardin solidaire et ailleurs, elles ont plus que jamais leur place pour construire une jungle urbaine.
Dans le livre, le plan du jardin est fourni, marque de la passion que l’auteur a eu de référencer chaque petit recoin, et chaque victoire sur le béton.
Jardin partagé et collectivité : comment passer de la divergence vers l’entente cordiale ?
Et de la passion, il en a fallu. Peut être s’est-elle essoufflée par moment. Le jardin solidaire est aussi l’histoire d’un combat pour faire accepter cette « invasion verte » auprès de la collectivité. La mairie de Paris n’a guère facilité les choses, notons bien : c’était alors les prémices du jardin partagé. Et oui, l' »ennemi » est parfois où l’on ne s’y attend pas. Refranchir les barrières, braver l’interdit de faire de belles choses positives, et reconstruire du vert après le passage des bulldozers. Pour moi, l’œuvre d’Olivier Pinalie et de ses acolytes est bien un acte de résistance : contre le tout-béton, contre la gentrification des quartiers populaires, contre le cloisonnage urbain…
J’ai décidé de ne pas parler de tout, de ne pas dévoiler l’issue de cette aventure formidable. Mais on pourra en parler dans les commentaires, une fois que vous l’aurez lu ;). Je ne peux que le conseiller chaudement car cette aventure peut parler à tout le monde : aux passionnés des jardins, aux acteurs d’un jardin partagé, mais aussi aux amoureux des villes comme à ses détracteurs. Car surtout, Chronique d’un jardin solidaire nous parle de défi, de déception, et de partage. Et aujourd’hui encore, si le jardin solidaire reste une référence parmi les passionnés de l’agriculture urbaine, ce n’est pas pour rien…
Pour finir, je vous conseille, une fois que vous aurez lu le livre, une vidéo : « Ce jardin-là », un documentaire unique sur l’histoire de ce jardin.
Bonne lecture !
Chronique d’un jardin solidaire, Olivier Pinalie